Marçon

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Antoine Rottier Belair

Sous l'Image l'histoire d'Antoine Rottier Belair

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Antoine Rottier Belair, un mulâtre amoureux à Marçon

 

Fils de Charles Rottier de la Borde, il est né à Saint Domingue, le 28 décembre 1743, dans la paroisse de Croix des Bouquets. Voulant se marier à Catherine Lemoine, fille de Pierre Lemoine chirurgien de Château Renault et d’Anne Rottier, une lointaine cousine, en 1787, il se voit refuser l’autorisation de se marier car il est fils d’esclave.

 

Ses ascendants

Charles, le père d’Antoine est lui-même fils de Pierre Rottier de la Borde et de Françoise Moynerie et petit fils de François Rottier de la Borde et de Martine Lemoyne, vivant à Marçon au XVIIe siècle. François construit la fortune familiale car il est marchand. Parmi ses nombreux enfants, Pierre est conseiller du roi au grenier à sel de Château du Loir, François notaire à Marçon, Jean et Jacques, marchands. Il marie ses filles à de puissants magistrats de Château du Loir.

Pierre Rottier et Françoise Moynerie ont une fille, Françoise, et cinq garçons, Pierre, Charles, Joseph, François et Jean-Marin. Joseph, héritant de la terre de la Bobanière située à Marçon, prend le nom de Rottier de la Bobanière. Charles et Pierre conservent le nom de Rottier de la Borde et François prend celui de Rottier de la Judonnerie.

Pierre Rottier de la Borde, le jeune, se marie le 27 décembre 1723 à La Rochelle où il travaille au contrôle des actes de notaire1. Il épouse ce jour-là Françoise Robin née à saint Domingue fille de colons, Jean Robin et Françoise Cebron. Il émigre à Port au Prince et s’installe dans la paroisse de Cul de Sac à la Croix aux Bouquets où vivent ses beaux-parents. Ses enfants, sauf sa fille Anne Françoise, naissent à Château du Loir. Elle épouse le 15 février 1751 aux Croix des bouquets Julien Marthe Duvivier de la Mahautière, auteur du premier texte une chanson, en créole, « Lisette quitté la plaine »2.

Pierre entraîne ses jeunes frères Charles, le père d’Antoine, et François à Saint Domingue. Ils y ont acheté une sucrerie et disposent de nombreux esclaves en provenance d’Afrique. Joseph Rottier de la Bobanière et Jean Martin participent financièrement à cet investissement. Les biens de Joseph passent à son décès à ses fils Charles et François. Joseph est le grand-père de Charles Rottier-Delaborde, baron d’empire.

 

Au 18eme siècle, Saint Domingue est le premier producteur mondial de sucre. Grâce au moulin à sucre, la canne produit un sucre brut transporté en France par le port de Nantes pour remonter par la Loire vers des raffineries situées à Blois, Orléans ou Saumur. En 1723, cette production est en pleine expansion, passant d’environ 10 000 tonnes annuelles à 40 000 tonnes en 1743. Les bénéfices financiers sont importants pour attirer de riches commerçants tels que les Rottier de la Borde.

De nombreux africains et africaines sont arrachés à leur terre natale pour servir de main d’œuvre peu coûteuse sur l’île. La vie des esclaves est difficile ponctuée par les violences graves et les agressions de toute nature. Beaucoup d’hommes blancs abusent sexuellement des femmes esclaves vivant sous leur coupe.

 

Antoine

Dans l’extrait de son acte de baptême, il est dit que sa mère Agathe est une « négresse ». Il est déclaré par son oncle, François Rottier de la Judonnerie. Il est né dans l’habitation de son père, la veille de son baptême.

Une habitation est l’exploitation agricole, gérée par un colon européen, sur laquelle se trouvent la maison stricto sensu et l’ensemble des parcelles agricoles. Y vivent également les esclaves qui travaillent dans la plantation de canne à sucre ou de tabac.

Charles et François Rottier sont propriétaires de l’habitation Lariady à la Croix des Bouquets où est né Antoine. Au moment de sa naissance, son père, Charles est parti en France. François le reconnaît alors comme étant le fils de son frère.

Antoine est affranchi le 7 avril 1751 par acte notarial fait à Port au Prince. Cet affranchissement est motivé par les « bons et agréables services » que sa mère Agathe a rendus.

Charles Rottier de la Borde l’emmène à Marçon certainement avant 1771. On sait qu’il est à Marçon en 1754 car il y fait une déclaration à l’abbaye de Beaulieu du Mans pour des terres qui relèvent du fief de cette abbaye3.

Il donne à son fils une éducation. Antoine sait lire et écrire. Peut-être, a-t-il pu être scolarisé au collège de Courdemanche ou à celui de Château du Loir ?

Au décès de Charles Rottier de la Borde le 13 novembre 1775 à Marçon, Antoine est l’héritier à part entière de son père qui dispose d’une grande fortune.

Et il rencontre sa tendre et douce… Catherine qu’il veut épouser. Le curé refuse de célébrer ce mariage en raison de l’hostilité de la famille de la mariée.

En outre, cette union contrevient aux dispositions d’un arrêt du 5 avril 1778 qui interdit les mariages mixtes, entre blanc et noir, sauf autorisation. Les contrevenants sont envoyés sur le champ aux colonies.

Antoine dépose une requête transmise par Louis Auguste Le Tonnelier baron de Breteuil au ministre de la Marine, Cézar Henri de la Luzerne, ancien gouverneur de Saint-Domingue. Il explique qu’il est depuis le 22 janvier 1788 greffier de l’assemblée municipale de son district et collecteur d’impôt pour l’année 1789. Il doit être nommé marguillier de la fabrique de l’église de Marçon. Il se sent obligé d’écrire que « sa couleur est suffisamment légère pour que sa postérité puisse en ressentir ». Il justifie de sa religion et de ses propriétés.

Même soutenu par le baron de Breteuil, l’autorisation est refusée à deux reprises en 1787 et en 1788 en raison de son statut, fils d’esclave noire.

L’argent ayant raison de tout, il verse un dédit considérable afin que puisse être acceptée l’autorisation demandée.

Néanmoins, le combat n’est pas fini puisqu’il ne reçoit pas la copie de ce document nécessaire pour contracter ce mariage si désiré.

Il envoie un courrier au dit ministre dans lequel il explique qu’il subit l’hostilité du tuteur de Catherine sa future qui souhaite marier sa pupille à un autre prétendant et humilie notre Antoine Rottier Belair4.

Le tuteur de Catherine en veut à notre Antoine car celui-ci lui a refusé des passe-droits qui lui avaient été demandé en raison de son emploi de greffier…

 

Soutenu par le baron Frédéric de Wurmser, grand veneur à la cour de France, cette pièce lui parvient. Le tuteur faisant encore de la résistance. Il a fallu qu’un tuteur spécifique, ad hoc, soit désigné et que son consentement soit authentifié par acte notarié. Ce consentement est alors envoyé par huissier au curé qui doit célébrer le mariage.

 

Toutes ces pièces réunies, le mariage est célébré dans la plus grande église du Mans, Notre-Dame de la Couture, le 2 juillet 1789. Aucun membre de la famille proche d’Antoine n’est présent mais Catherine est assistée de son oncle maternel François Rottier du Plessis et de sa cousine germaine Françoise Rottier du Plessis5.

 

Le couple, enfin uni, a trois enfants nés à Marçon, Pauline qui meurt en bas âge, Antoinette et Antoine.

Pendant la révolution française, Antoine achète le presbytère de Marçon, bien national car religieux, en 1791 pour 2325 francs, le champ de la cure6 pour 1625 francs et une vigne aux Broudières dépendant de la chapelle Vauvert à Vaas pour 1624 francs7.

Très actif, il est élu au suffrage censitaire, membre du premier conseil municipal connu de la commune, le 15 pluviôse an IX (4 février 1801)8.

Louis Jacques Rousseau9 est chargé du secrétariat général de de la commission du commerce et des subsistances en juillet 1794. Il remet un rapport sur les possibilités d’exportation des produits de la région de la Flèche et de Mont sur Loir. Il prend attache avec Antoine Rottier Belair à propos des effets sur le vin de Marçon des voyages par mer. Celui-ci l’assure que ces vins ont gagné en qualité après avoir passé les tropiques, défendant ainsi les intérêts des habitants de la commune, alors que toute possibilité d’exportation de ces vins était interdite depuis quelques mois.

Lorsqu’il fut question de changer le cimetière de lieu, comme quelques habitants fortunés, les de Malherbe, Lemoine, il participe financièrement à la construction de trois toises10 du mur du nouveau cimetière, situé au lieudit « la vie » pour 7 francs11.

Il meurt le 18 avril 1807 dans la maison des Rottier, au lieudit de la Croix, actuellement la Croix boisée, à Marçon.

Le presbytère est alors vendu à Julien Huzard, notaire, qui en fit don, le 29 pluviôse an XII12, à la commune. Le bâtiment a continué à être, malgré la révolution, le logis des desservants de l’église Notre Dame de Marçon et le restera jusqu’à la fin de la première guerre mondiale.

 

Les descendants

Son fils Antoine Désiré devient chirurgien comme son grand-père maternel, Pierre Lemoine, et exerce à Marçon. Il se marie avec Pauline Badère le 15 octobre 1822 à Marçon et a un fils, Adolphe qui meurt, à 44 ans, sans descendance.

En 1830, Antoine Junior est élu Commandant de la compagnie des chasseurs de Marçon, faisant partie de la garde nationale13. Aussi actif dans le village que son père, il est membre du conseil municipal de la commune de Marçon de1831 à 184014.

Sa fille Antoinette épouse, le 13 août 1812 à Marçon, Emmanuel Peltereau, descendant probable du premier tanneur de Château Renault, Bertran Peltereau. Si on ne sait ce que devient leur fille Victorine, leur fils Emmanuel, négociant, épouse, à Vendôme, Adrienne Sornet le 18 mai 185915. Ce couple a au moins deux fils, Victor Adrien Antoine et Paul. Le premier se marie en 1904 avec Louise Soudée16. Ils tiennent tous les deux une boutique de marchand cirier à Tours, place du Chardonnet en 192917. On ne sait ce que devient le second.

Leur fiche matricule donne une description des deux hommes. Victor qui porte le prénom de son ancêtre est grand, très grand, pour l’époque, 1 m 83 et les yeux noirs. Paul ne fait que 1 m 69, est châtain et a les yeux bleus.

Connaissaient-ils leur histoire car aucunement dans les actes il n’est fait allusion à la filiation ou au statut de fils d’esclave de leur aïeul… ?

 

1 AD 17 GG593, La rochelle paroisse St Sauveur

2 Moreau de st Mery, descriptif de l’isle de saint domingue, ed philadelphie, T1 p.65

3 AD 72 H 1644 fief de Chezain, abbaye de Beaulieu du Mans

4 ANOM col E 358

5 AD 72 1 MI 413, commune le mans, paroisse de Notre dame de la couture

6 Actuellement, terrain occupé par les logis de la Demée, la cantine le Corbusier et le futur éco quartier

7 F. Legeai, documents historiques sur la vente des biens nationaux dans la Sarthe, Leguicheux imprimeur, 1886, T1 p 342

8 Registre des délibérations municipales de Marçon 1801-1806

9 Ancien député de la Sarthe, en 1790, natif de Château du Loir

10 Environ 6 mètres linéaires

11 Registre des délibérations municipales de Marçon 1801-1806

12 ibid

13 Milice bourgeoise réservée aux hommes payant un cens de plus de 200 F ( wikipédia)

14 Registre des délibérations municipales de Marçon 1826-1837 et 1837-1852

15 AD 41 1 miec 269 R 5

16 AD 37 6NUM8/261/359 (Cotte) ville de Tours

17 Annuaire Tours 1929

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